mardi 29 juin 2010

Zetazeroalfa, Disperato amore – Critique par Adriano Scianca

« Il n'y a pas de bonne destruction sans amour » Gilles Deleuze
Je crois que Zetazeroalfa a toujours raison. Littéralement. Je pense que Zetazeroalfa est plus qu’un simple groupe. Il n’est pas que musique, ni seulement politique. Il y a quelque chose de plus. C’est un frisson dans le cœur, un hectolitre de ton sang, un morceau de peau. Zetazeroalfa a les mêmes cicatrices que toi et est un morceau de ton histoire. C’est là son secret. Zetazeroalfa a été la bande son de notre vie ou plus plausiblement, nous avons transformé nos vie pour que Zetazeroalfa en devienne la bande son. Je crois donc que Zetazeroalfa a toujours raison. Parce qu’il n’est pas seulement musique. C’est une histoire, une messe, un sentiment. Il incarne d’une manière évidente un choix, l’obscur pressentiment d’une volonté. Je crois que Zetazeroalfa a toujours raison. Je crois en Zetazeroalfa. Je crois.
Disperato Amore est un disque écrit au grand large. Il lance une bouteille à la mer qui doit être portée par les courants et le destin. Il parle de la mer, de la solitude, de l’amour. Le concept aquatique ressort aussi dans le beau livret. On y voyage à travers la tempête dans les différentes capitales d’Europe qui finiront par être submergées. Ce n’est plus une terre mais une mer. Tout est flux, il n’y a plus de port où se réfugier. Navigare necessere est. La mer est le défi qu’il faut vaincre. La réponse à sa domination est la chanson « Arremba sempre ». Il faut charger son époque, partir à l’assaut du futur, convertir le venin en médicament. Faire de la mer ta force, devenir un pirate, voilà la solution. Dans « Accademia della sassaiola », on traite de rebelles. Cela parle de révoltes qui viennent du bas, de la rue. Tout y est plus vrai, c’est une existence tournée contre les cages de papier. Cela ne compte pas que cette école du caillassage soit vrai ou une métaphore. C’est l’intifada quel contient qui compte.
La solitude. Elle est évoquée dans deux morceaux instrumentaux (« Scirocco » et « Nemesi ») : atmosphère glaciale et déserte qui réduit l’homme à lui-seul. Le dernier album du groupe était tourné entièrement sur la communauté, sur un milieu qui se cherchait et se reconnaissait. Ici, en revanche, revient le singulier. Ce n’est pas un singulier désincarné, naufragé. On parle d’un homme qui a appris à se regarder en face et à trouver sa place auprès d’autres hommes qui ont eu le même parcours. C’est cela la liberté. C’est cela la responsabilité. C’est le sens de « A modo mio ». Je fais les choses à ma façon. C’est une grande leçon : mener sa propre bataille, pas celle des autres. Combattre jusqu’à la fin. « Fino all’ultimo » est une des chansons marquante de cet album. C’est un hymne à l’Italie à la saveur pavolinienne, mais plus lucide. On y prend conscience que la bataille continuera jusqu’au dernier soldat.
L’amour. La passion brulante pour une idée, pour une terre, pour un symbole, pour une communauté, c’est un thème récurrent dans tout l’album. Amour pour une personne aussi : l’amour désespéré n’exclut pas mais comprend l’amour entre homme et femme, comme le raconte la chanson « Anche se è giovedi ». Il est au dessus de la posture narcissique et individualiste des petits bourgeois. On parle ici d’amour désespéré car cela implique de toujours se mettre en jeu. Cela implique un style. C’est de ce style que parle « Rose rosse dalle camicie nere ». Un style de vie, une vie à donner comme on jette une fleur. Vivre comme cela, c’est vivre d’amour. Un amour contre soi-même, un impératif existentiel, sans pause, sans reprendre son souffle. La chanson éponyme de l’album parle déjà d’amour dans son titre. C’est l’amour par choix, un choix qui va au fond des choses et même plus loin. L’amour qui vainc la mort. L’amour véritable dure toujours. « Disparato amore » parle de cela, on y cultive son amour pour l’Italie d’une façon désespéré où combattre est un destin. Ce choix est le notre. L’amour désespéré c’est ne pas perdre contact avec l’histoire, la force qui maintient vivante l’idée, qui donne de la couleur à ceux qui sont passés et ceux qui passeront. Pour cela, nous ne sommes ni morts, ni vivants mais que nous sommes au dessus de la vie, au dessous de la mort. Nous sommes ceux qui prennent la mer.
Ceux qui prennent la mer se reconnaissent entre eux. Dans « I guerrieri della scolopendra », on parle d’autres guerriers qui mènent une lutte pour leur patrie spirituelle. La chanson parle des Karens et de leur bataille héroïque dans la jungle contre la junte birmane, contre la drogue, contre la chine, contre l’occident. « Ma patrie vie si je combats pour mes idées ». Ce n’est pas toujours vrai, c’est peu être pour se rassurer. Mais parfois aussi il existe une alchimie spéciale, incarnée, qui née parfois dans la fange des tranchées. Voilà, les Karens combattent aussi pour nous. La même guerre, le même ennemi et nous combattons aussi pour eux.
Il y a aussi une autre forme supérieure d’amour. C’est la soudure qui lie une fraternité, le lien d’un destin. « Andrà tutto bene » parle de nous, de notre chemin. Un parcours a renouer et à poursuivre, malgré tout, malgré tous. Tout ira bien parce que nous l’avons décidé ainsi. Nous emmerdons tout le monde, nous irons jusqu’au bout. Ce titre – le meilleur de tout l’album – invite au courage et à la ténacité, à la volonté qui fait bouger les montagnes. Joyeusement, cette chanson indique la voie à suivre, un chemin semé d’embûches où dominent les nuages. C’est la voix de ceux qui osent voler, plus on ose, plus on croit. Celui qui a le plus combattu, le plus aimé, le plus payé, le plus conquit. Une fois ce choix fait, on a plus peur.  Enfin comme l’écrivait Nietzche : « Nous avons quitté la terre, nous nous sommes embarqués! Nous avons coupés les ponts - bien plus, nous avons laissé derrière nous la terre! Dès lors, petit navire, prend garde! A tes côtés s'étend l'Océan. Sans doute ne hurle-t-il pas toujours et parfois s'étale-t-il comme de la soie et de l'or, et comme une rêverie de la bonté. Mais des heurs viendront où tu reconnaîtras qu'il est sans limites et que rien n'est plus effrayant que l'infini. Oh, pauvre oiseau qui t'es senti libre et qui, désormais, se heurte aux barreaux de pareilles cages! Malheur à toi si le mal du pays te saisit, comme s'il y avait plus de liberté là-bas - alors qu'il n'est plus de "terre". »
 
JesusFranco
 
Zentropa

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