Une juge d’instruction milanaise a décidé il y a quelques jours le renvoi en jugement de Silvio Berlusconi pour abus d’une prostituée mineure et abus de pouvoir. Elle a suivi l’argumentation du Parquet de Milan, qui a requis il y a une semaine une procédure accélérée. La date du procès a été fixée au 6 avril.En Italie, l’abus de pouvoir est puni de peines pouvant aller jusqu’à 12 ans de prison et les relations sexuelle avec une prostituée mineure jusqu’à 3 ans.
Contrairement à l’Italie, la Suisse, à l’exception du canton de Genève, autorise la prostitution des jeunes à partir de l’âge de 16 ans, soit avant la majorité civile (18 ans). Il est aussi permis aux clients de payer pour les services d’une prostituée ayant atteint l’âge de 16 ans.
Pour l’assistante sociale Martha Wigger, directrice de XENIA, un centre de conseils pour les femmes se livrant à la prostitution, le fait que la Suisse se montre laxiste en comparaison avec d’autres pays est peut-être dû au fait que «la prostitution y est considérée comme une activité légale depuis 1942, alors qu’en Allemagne, par exemple, ce n’est le cas que depuis 2001. On peut en déduire que les contrôles y ont également été moins stricts».
Législation nationale
Alors que le canton de Genève et maintenant l’exécutif communal de Zurich également interdisent la prostitution des mineures et contrôlent l’application de cette norme par l’obligation de demander une autorisation pour se prostituer, les autres villes et cantons s’en tiennent à la législation fédérale, appelée à évoluer pour protéger les jeunes jusqu’à l’âge de 18 ans.
Pour la directrice de XENIA, c’est une excuse pour ne pas agir soi-même. Il serait bien sûr important d’éclaircir la situation au niveau fédéral. « Mais de tels sujets doivent très souvent être réglées d’abord au niveau cantonal».
Selon une convention du Conseil de l’Europe, que la Suisse a signée en 2010, il appartient au gouvernement national de punir l’utilisation des services sexuels tarifés d’une mineure. Le client sera ainsi responsable.
Pour Martha Wigger, ce n’est clairement pas le bon chemin. «Nous n’estimons pas que le client ne doit avoir aucune responsabilité, mais ce n’est pas la répression qui résoudra le problème».
Mieux vaudrait être pratique et proche des réalités. «Quand un client va dans un salon, il y a peu de lumière et il n’est pas raisonnable d’exiger de lui qu’il demande à la prostituée sa carte d’identité». De plus, cette carte pourrait très bien être celle d’une collègue.
Peu de mineures dans l’industrie du sexe
Martha Wigger ne trouve pas scandaleux que la Suisse ait tant attendu pour prendre des initiatives dans le domaine de la prostitution des jeunes. «D’après notre expérience, il n’y a que très peu de mineures dans le travail du sexe. Et je ne parle pas seulement des femmes qui s’adressent à nous, mais aussi des enseignements que nous tirons de notre travail de terrain. Nous sommes amenés à fréquenter ces établissements et nous savons parfaitement que c’est rare».
Selon une estimation de la Neue Zürcher Zeitung, confirmée par la police de la Ville de Zurich et par des spécialistes du milieu, comme l’avocat Valentin Landman, il est d’ailleurs fortement déconseillé aux patrons de bordels d’engager des mineures.
Martha Wigger ne nie cependant pas qu’il y ait des choses à faire et donne en exemple la loi en préparation dans le canton de Berne: «Selon ce texte, les tenanciers des établissements spécialisés seront dans l’obligation de veiller à ce que les mineures ne soient pas enrôlées dans la prostitution». Cela vaut pour les salons, les services d’escort, les grands établissements ou les saunas qui font travailler des prostituées.
La directrice de XENIA appelle d’ailleurs de ses vœux une loi applicable: «Il faut qu’il y ait des contrôles, sinon cela n’a aucun sens».
Le phénomène des consommatrices de drogues
Durant ses 15 ans d’activités à XENIA, Martha Wigger n’a constaté aucune augmentation du nombre de mineures dans l’industrie du sexe. «Mais il y a des consommatrices de drogues en-dessous de 18 ans qui se prostituent pour financer leur consommation», précise-t-elle.
Par contre, on ne trouverait pas de mineures parmi les ressortissantes des pays issus de l’ex-URSS. «Lorsqu’elles veulent venir travailler ici, elle doivent obtenir des autorisation de travail et de séjour. Or elles n’ont aucune chance de les obtenir si elle ont moins de 18 ans», affirme Martha Wigger.
Jean-Michel Berthoud
Swissinfo
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