mercredi 2 mars 2011

Mr Proudhon

Pierre-Joseph Proudhon est né le 15 janvier 1809 à Besançon, dans le Doubs, d’un père garçon brasseur et d’une mère cuisinière. Enfant, il garde les vaches. Repéré grâce à sa brillante intelligence, il suit des études qui lui permettent de devenir typographe, d’apprendre l’hébreu, le grec et le latin, et d’acquérir de bonnes connaissances en théologie. Il “monte” à Paris en 1847, devient franc-maçon, et mène une vie simple et studieuse. Il y découvre les idées socialistes. En 1840, il publie sa première œuvre Qu’est-ce que la propriété ? Sa réponse est célèbre : « La propriété, c’est le vol ». Nous sommes sous Louis-Philippe, le roi bourgeois, et Guizot, son ministre, s’apprête à lancer sa fameuse formule : « Enrichissez-vous ! ». L’ouvrage de Proudhon est un pamphlet sans violence ni méchanceté, où le mépris certes abonde mais où la pitié est omniprésente. Pitié pour les hommes misérables, mais aussi pitié pour le riche. On sent l’influence de la lecture des Evangiles. Ce livre suscita tout de même l’épouvante chez certains, dont Sainte-Beuve qui crut que l’univers s’écroulait : « Son tort grave est d’avoir allumé la mèche et mis le feu aux oudres », écrira-t-il. Proudhon devenait le premier polémiste social de l’époque.


Quoi ? Un homme pauvre, qui vit de sa plume, qui n’est pas achetable, et qui a l’outrecuidance de canonner sans répit, sans respect, le Dieu de la religion nouvelle, le Dieu de l’Or, par quoi le Ventre (formule du dessinateur Daumier) prétendait remplacer le christianisme usé, incapable de lutter contre l’usure ? Mais personne ne réussit à le faire taire... Bien que profondément critique par rapport au capitalisme, Proudhon s’oppose aux socialistes qui idolâtrent le collectivisme. Il expliquera même, plus tard, qu’il avait été compris à contresens et dira même : « la propriété, c’est la liberté ».

Mais pas n’importe quelle propriété. Sa critique se focalise sur les propriétaires terriens oisifs qui volent les profits des travailleurs, et plus généralement sur les personnes qui tirent un revenu sans travailler. Proudhon, qui estime que ce que chacun produit est sa propriété, et rien de plus, peut être considéré comme un socialiste libertaire, à mille lieues du socialisme étatique. Son socialisme est autogestionnaire ; il préconise l’association des travailleurs et le contrôle des moyens de production par ceux-ci. Il adopte le terme de “mutualisme”, prône la création de coopératives. L’Etat serait aboli ; à sa place une “fédération” de communes libres. Il se fait le théoricien du fédéralisme.

La théorie de Proudhon était certes révolutionnaire, mais une révolution sans guerre civile ni soulèvement violent. Fils d’artisans, il se méfie en fait de la classe ouvrière dont

il redoute les réactions, et dénonce les “charlataneries” de ceux qui veulent une organisation totalitaire de la société. Son attachement aux libertés individuelles est trop grand

pour qu’il puisse supporter le poids étouffant d’un Etat jacobin centralisateur. Il flétrit le communisme qui « est synonyme de nihilisme, d’indivision, d’immobilité, de nuit, de silence ». Il s’en prend aux jacobins : « Voulez-vous donc, citoyens, servir encore votre patrie, travailler au Progrès, contribuer au triomphe de la Révolution ? Croyez-moi, devenez d’autres hommes. Mettez au crochet votre défroque parlementaire ; rengainez votre phraséologie ; brûlez-moi ces vieux oripeaux du jacobinisme [...], avec vos grands mots de guerre aux rois et de fraternité des peuples, avec vos parades révolutionnaires et tout ce tintamarre de démagogues, vous n’avez été jusqu’à présent que des blagueurs ».

Sur le plan politique, il défend l’idée d’une « démocratie politique fédérative » qui serait fondée, en France, sur une douzaine de régions qui s’auto-administreraient et s’associeraient pour former une république fédérale. Il n’y aurait que deux chambres : une Chambre des régions et une Chambre des professions. Proudhon imagine une Europe confédérale dotée d’une cour de justice et organisant un marché commun. Il prédit les pires malheurs, les plus effroyables guerres si l’Allemagne et l’Italie réussissaient leur unité. Vision prophétique...

Proudhon croyait aussi à la famille, cellule sociale. Il estimait que la femme était faite pour être ménagère et avoir des enfants. S’adressant à deux féministes qui avaient fait paraître des livres sur la libération de la femme, il leur dit : « ...je découvre que les libertés publiques ont pour base et pour sauvegarde les mœurs domestiques ; que les mêmes maximes par lesquelles on détruit les droits des peuples sont celles par lesquelles, vous et vos coryphées, vous renversez l’ordre des familles, que toute tyrannie, en

un mot, se résout en prostitution. ». D’où l’alternative proudhonienne : « Ménagère ou courtisane »...

Ce grand polémiste, journaliste, économiste, sociologue, mais aussi philosophe (Sorel l’appelle même « le grand philosophe du XIXe siècle ») disparaît le 18 janvier 1865.

Zentropa

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