vendredi 22 avril 2011

Ne faisons pas de concessions sur la souveraineté de la Suisse !


Les potentats de l’UE, notamment le président du Conseil Van Rompuy et le président de la Commission Barroso exigent une « dynamisation » et une «institutionnalisation» des relations juridiques entre la Suisse et l’UE. Selon la presse du 12 mars, ils ne veulent poursuivre les négociations avec la Suisse que si celle-ci se laisse imposer la législation et la jurisprudence de Bruxelles. L’objectif de cette exigence est manifeste: L’étape vers l’adhésion ne serait plus importante. Mais les politiques de Berne et le peuple ne marcheront pas: La Suisse tient fermement et à bon droit à garder son indépendance décisionnelle.
Les politiques de Bruxelles déplorent que les accords bilatéraux, qui sont plus de 100, soient confus et que leur application soit complexe. C’est pourquoi ils soulignent l’urgence d’un règlement uniforme en matière de reprise par la Suisse du droit communautaire. C’est ridicule. Selon les spécialistes, il n’existe rien de plus confus que la législation et la jurisprudence pléthoriques de l’UE et on nous fait croire que les maîtres en bureaucratie de Bruxelles ne viendraient pas à bout de quelques accords bilatéraux (qui, d’ailleurs, seraient plus succincts et compréhensibles s’ils avaient été rédigés par Berne).
La démocratie directe de la Suisse, une épine dans le pied des potentats de l’UE
En réalité, le fait que la Suisse, malgré les nombreuses tentatives d’annexion, soit encore relativement souveraine, dérange les centralistes. Grâce à la démocratie directe, les adhésions à l’EEE et à l’UE ont été plusieurs fois nettement refusée par le peuple et les cantons. Le peuple souverain a exigé un référendum sur les Bilatérales I et II et bien que ce soit l’UE qui en retire les principaux avantages, bien que nos autorités fédérales nous aient chaque fois promis la lune, il existe une différence considérable entre la Suisse et les pays membres de l’UE dans lesquels le pouvoir exécutif peut agir sans être gêné par le peuple.
Comme l’écrit Thomas Schuler dans son article intitulé « L’entreprise Bertelsmann échoue dans sa tentative de s’emparer des administrations communales », le pouvoir exécutif, dans les municipalités allemandes, par exemple, peut aller jusqu’à confier leur administration à des multinationales sans consulter les citoyens. Ce serait impossible dans les communes suisses où c’est le peuple qui décide.
Le fait qu’à chaque nouveau traité international et qu’à chaque amendement d’un traité existant, il faille s’attendre à un référendum contraint le Conseil fédéral à se demander, au moment des négociations déjà, quels éléments pourraient difficilement passer la rampe lors d’une consultation populaire. Ainsi lorsque l’UE accueille de nouveaux membres, l’Accord sur la libre circulation des personnes doit être étendu à un nouvel accord international avec ces pays. Et l’on peut également recourir au référendum dans ce cas. Et même toute une armée de «spécialistes en communication» internes et externes ne peuvent pas toujours empêcher que les citoyens habitués à penser par eux-mêmes se prononcent parfois autrement que les parlementaires.
C’est ça, la démocratie, Messieurs les politologues, à propos de laquelle vous avez, dans votre baromètre de démocratie dépourvu de tout caractère scientifique, placé la Suisse derrière l’Allemagne et la Slovénie. Démocratie signifie souveraineté du peuple et nous en jouissons en Suisse. Pour le constater, il n’est pas besoin de questionnaires modularisés en provenance de Berlin (élaborés aux frais des contribuables suisses!) mais de l’aptitude à penser selon des critères historiques et politiques.
Adaptation des accords bilatéraux: la règlementation actuelle
Les accords bilatéraux avec l’UE reposent sur le droit communautaire au moment de leur conclusion. Or une partie d’entre eux sont en vigueur depuis 10 ans ou plus et le droit communautaire a «évolué» entre-temps, c’est-à-dire qu’on l’a modifié. Si aujourd’hui l’UE amende une loi concernant le contenu d’un des accords bilatéraux avec la Suisse, il convient qu’un comité mixte, c’est-à-dire composé de fonctionnaires de la Suisse et de l’UE, doit négocie pour savoir si notre pays va reprendre la nouvelle réglementation. Sinon il a la possibilité de dénoncer l’accord en question. Ainsi l’Accord sur les transports terrestres (trafic de transit des camions sur l’axe nord-sud de la Suisse) a été adapté 7 fois depuis sa conclusion en 1999 par le Comité mixte des transports terrestres «CE-Confédération suisse».
Comme ce serait plus facile pour les potentats de Bruxelles de pouvoir conclure un accord selon lequel les modifications du droit de l’UE seraient automatiquement reprises par le droit suisse! En disant «plus facile», on ne pense pas au travail administratif méticuleux nécessité par la législation actuelle: les bureaucrates de l’UE sont suffisamment nombreux et habitués à ce travail. On veut dire par là que le pouvoir central ne veut plus être gêné par le peuple suisse qui s’immisce constamment et cherche à empêcher la centralisation et la domination de l’Europe, à l’instar du village gaulois d’Astérix, en montrant aux peuples dominés par Rome … pardon par les pays membres de l’UE, qu’un système démocratique, fédéraliste et décentralisé fonctionne tout aussi bien, voire beaucoup mieux.
Il est question d’écarter progressivement l’Assemblée fédérale et le peuple souverain
En clair, le projet d’accord-cadre signifierait que la Suisse s’engagerait à transposer le droit européen dans le droit suisse sans lui demander si ça lui convient ou non. Le peuple et l’Assemblée fédérale pourraient être écartés une fois pour toutes. Comme pour les parcs naturels au plan communal, il n’y aurait plus ici qu’une votation de principe où le peuple pourrait dire oui ou non mais après, les autorités de la Confédération devraient transposer les modifications du droit européen dans le droit suisse sans que le peuple, les cantons et le Parlement aient leur mot à dire.
Ce serait la fin de la démocratie directe, et pas seulement dans les questions de politique étrangère. 70 à 80% du travail législatif a lieu à Bruxelles et ce serait bientôt le cas pour la Suisse. Pour «tranquilliser» les Suisses attachés à leur indépendance, la Commission européenne leur assure «que lors de la transposition du droit communautaire la souveraineté de la Suisse est garantie». (cf. Neue Zürcher Zeitung du 3 février 2011) C’est de la même manière que l’on a «tranquillisé» les Autrichiens lorsqu’on leur a garanti le maintien de leur neutralité s’ils envoyaient leurs soldats dans les troupes d’intervention de l’UE.
Nous autres citoyens suisses allons nous opposer catégoriquement à une telle destitution du peuple souverain. Les protestations sont déjà nombreuses. L’Union syndicale suisse craint à juste titre pour les mesures d’accompagnement décidées lors de l’ouverture du marché du travail (règlementation des salaires et des conditions de travail, dépôt de garantie, obligation pour les entreprises étrangères d’annoncer les travailleurs étrangers) et estime que ces mesures ne sont pas négociables. L’UDC fait savoir qu’elle «n’acceptera en aucun cas un abandon important de la souveraineté suisse». Pour le PDC, «il n’est pas question de transposer automatiquement le droit communautaire: après tout, la Suisse n’est pas membre de l’UE». Et même le PS, selon son conseiller national Hans-Jürg Fehr, «ne soutient pas l’idée d’une transposition automatique du droit communautaire» (cf. NZZ du 9 février). Seul le PLR estime qu’il est légitime de négocier également sur des questions institutionnelles.
Pas de juges étrangers
De même, après commune délibération et d’un accord unanime, nous avons juré, statué et décidé que nous n’accepterions et ne reconnaîtrions en aucun cas dans lesdites vallées un juge qui aurait payé sa charge de quelque manière, soit en argent soit à quelque autre prix, ou qui ne serait pas de chez nous et membre de nos communautés. (Pacte fédéral de 1291)
Mais la transposition du droit communautaire dans le droit suisse ne suffit pas aux potentats de Bruxelles. Certes, la vie juri dique d’un pays dépend essentiellement de la manière dont les tribunaux et les administrations interprètent et appliquent le droit. Selon la tradition remontant au Pacte fédéral de 1291, les justices fédérale et cantonales ne sont pas disposées à renoncer à leur indépendance. La jurisprudence de la Cour de justice européenne n’est pas pour elles la mesure de toutes choses. Le président de la Cour de justice de l’AELE Baudenbacher déplore que «le législateur [suisse] n’oblige pas les tribunaux suisses à interpréter de manière eurocompatible le droit repris de l’UE. En effet, le Tribunal fédéral obéit aux règles méthodologiques suisses traditionnelles. Elles diffèrent nettement de celles des cours supranationales de l’UE et de l’EEE.» (Souveränität im Härtetest, p. 254).
Selon Baudenbacher, la Cour de justice européenne considère le droit communautaire comme prioritaire et limitant la souveraineté des Etats nations et de leurs citoyens. Il estime que le Tribunal fédéral devrait également abandonner la souveraineté de la Suisse et des Suisses au profit de l’eurocompatibilité. Or le Tribunal fédéral envisage le droit communautaire «uniquement comme une source d’inspiration» ou bien l’interprète même de manière indépendante au lieu de le faire de manière «eurocompatible» (p. 256).
La Commission européenne veut briser l’indépendance juridique de la Suisse
En dépit du fait que la Suisse, n’étant pas membre de l’UE, n’est absolument pas tenue de respecter la jurisprudence communautaire, la Commission européenne a l’audace d’exiger que la jurisprudence suisse interprète et applique de manière uniforme les accords bilatéraux, c’est-à-dire le droit communautaire qu’ils sous-tendent. Elle va même plus loin: elle veut que les décisions futures de la Cour de justice européenne soient contraignantes pour la Suisse.
C’est exactement ce que fait le président de la Cour de justice de l’AELE à l’égard des pays de l’EEE/AELE Norvège, Islande et Liechtenstein en «dynamisant» les arrêts de la Cour de justice européenne, c’est-à-dire en les appliquant à la lettre à ces Etats non membres de l’UE. Il reconnaît toutefois que «la Norvège surtout déplore la perte de souveraineté liée à ces mécanismes.» (p. 259) Pour que la Suisse tombe également sous les griffes de sa Cour de justice de l’AELE, Baudenbacher voudrait qu’elle adhère tout d’abord à l’EEE, ce qui ne serait à vrai dire qu’une étape intermédiaire: «Cela ne change rien au fait qu’une adhésion à l’UE sera inévitable à long terme.» (p. 273)
De son côté, depuis pas mal de temps, la Commission européenne fait comme si la Suisse était soumise à la jurisprudence de la Cour de justice européenne. Elle a protesté vivement lorsque le demi-canton de Bâle-Campagne a réagi contre la ruée d’«entreprises de services» venues d’outre-frontière en instaurant un délai d’annonce obligatoire afin de pouvoir vérifier s’il s’agissait vraiment d’entreprises indépendantes et non pas de salariés dont les employeurs cherchaient par cette ruse à contourner les mesures prises par la Suisse contre le dumping salarial. La Commission s’est plainte de ce que cette annonce obligatoire violait la jurisprudence de la Cour de justice européenne.
Nous nous opposons catégoriquement à ce genre d’immixtion dans notre justice.
Osons l’indépendance
Ceux qui veulent sauvegarder la souveraineté de la Suisse et attachent de l’importance aux droits démocratiques des citoyens, droits qui ne sont pas à mettre au rebut, n’hésiteront pas à opposer une fin de non-recevoir à la «dynamisation» de la législation suisse et à la juridiction bruxelloise. Et en même temps, ils s’opposeront avec énergie aux politiques qui veulent mettre nos approvisionnements de base (libre-échange agricole, marché de l’électricité) sur le marché intérieur de l’UE.
Que les individus pusillanimes se souviennent d’un Suisse qui n’hésita pas, en des temps difficiles, à tout faire pour sauvegarder l’indépendance de la Suisse: «De son vivant déjà, Henri Guisan était bien plus qu’un général: il fut le garant d’une Suisse fidèle à elle-même, d’une Suisse qui a le courage et la force de suivre sa propre voie, d’une Suisse qui ne négocie pas sa démocratie et son indépendance. Et pas non plus lorsqu’elle est une démocratie isolée au sein d’une Europe des dictatures. Guisan était le garant de l’exception suisse.» (conseiller fédéral Ueli Maurer, 10 avril 2011)
Marianne Wüthrich

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