dimanche 20 mars 2011

La Libye et le rivage du Cirque

La politique est devenue depuis longtemps une entreprise de spectacle : il s’agit de séduire, de valoriser son image, de remplacer l’action par des effets d’annonce. Les médias détiennent une valeur stratégique dans cette opération de promotion, car images, sons et rhétorique y abondent.
La politique extérieure a suivi la même évolution. Ne parle-on pas de « scène internationale » ? Nous avons même maintenant un « théâtre » des opérations, celui de Libye, dont le sable s’apparente à celui des arènes, dont on est sûr qu’il s’abreuvera du sang bédouin, et qui est de toute façon mouvant (quels sont les objectifs réels ?).
Evidemment, comme presque tout ce qu’entreprend l’Occident comme opération guerrière, il n’est pas question de prendre des risques matériels et humains : la Libye n’est pas l’Afghanistan, mais s’apparenterait davantage à la Serbie, avec comme points communs les agissements « délictueux » et « criminels » de « dictateurs » soi disant « fous » (l’aliénation étant, depuis Hitler, un concept politique opératoire et bien pratique), et une pauvre population de victimes innocentes massacrées (voire « génocidées » - c’est à la mode) de façon tout ce qu’il y a de plus sadique.
Le fourbe Scapin répondait, en personnage de la commedia dell’arte, à une Hyacinte éplorée (I, 3) : « Il faut se laisser vaincre et avoir de l’humanité. Allez, je veux m’employer pour vous. » Molière avait du flair pour débusquer les cabotins manipulateurs.
La folie, au demeurant, n’empêcha jamais qu’on traitât et qu’on conclût des contrats mirobolants, l’argent rendant parfois la raison aux sots et aux ânes.
Le plus frappant en l’affaire – mais cela ne surprendra personne- c’est la souplesse (relative aux échines) avec laquelle notre clergé cathodique emboîte le pas (de l’oie) aux puissances de ce jour. Nul doute que la panoplie lexicale et sémantique, passablement mélodramatique, eût été endossée contre un autre ennemi des « droits de l’homme », de la « liberté », de la « démocratie » et de tout ce que vous voulez, pour peu qu’on l’eût désigné avec la candeur cynique qui est requise dans ces occasions. Pourquoi par exemple ne pas viser l’émir de Bahreïn, qui trucide ses sujets chiites avec l’aide des forces armées saoudiennes, ou bien le dictateur yéménite Ali Abdallah Saleh, qui massacre les émeutiers (sans parler d’Israël, ce serial killer, qui officie avec la complicité du shérif) ? Mais il est vrai que ces pays sont de fermes soutiens du Nouvel Ordre mondial.
On hésite, pour qualifier Sarkozy, entre les qualificatifs de Monsieur Loyal (ce qui, littéralement, ne lui ressemblerait pas, n’ayant jamais fait preuve de loyalisme envers ses « amis » politiques) et de prestidigitateur. Pour justifier le premier terme, il faudrait décrire par le menu comment il a mis toute sont énergie hâbleuse, son dynamisme de bonimenteur à rassembler une partie des brigands occidentaux (dont certains plutôt réticents, comme la patronne de l’Europe, l’Allemagne, ou se réduisant à accepter, comme les USA (qui, par leur puissance, contrôleront la pièce, avec l’appui de leurs frères de race anglo-saxons), que le petit Nicolas s’amuse un peu dans la cour de récréation), avec, comme clown triste et psychorigide, aussi séduisant qu’une brosse à cirer les pompes, la girouette Juppé, dont la drôlerie onusienne a été trouvée épique par nos inénarrables journaleux (il faut bien une claque pour créer l’ambiance) ; pour donner du crédit au second, il faudrait rappeler comment notre magicien a tiré de son chapeau le cocasse BHL, qui, tout sautillant comme un lapin du désert (« disert rabbitus »), nous a refait le coup de Sarajevo, en tentant de rappeler le non moins mythomane André Malraux et ses brigades internationales. Nous voilà donc plongé dans une fête des écoles, au lieu de la Grande Histoire.

Claude Bourrinet pour le Cercle Futur

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