lundi 21 mars 2011

« Le FMI est devenu une organisation monstrueuse »

Le 1er mars, le Conseil national a approuvé à son tour l’augmentation du prêt au FMI. Malgré les doutes importants émis par différents milieux, la majorité du Parlement a accepté la demande du Conseil fédéral. Alors que l’UDC a rejeté unanimement le gaspillage de cette somme énorme de plusieurs milliards et que les Verts s’abstenaient, la majorité des députés des autres partis représentés au Conseil fédéral ont approuvé le projet à quelques exceptions près dignes d’être mentionnées: Geri Müller et Daniel Vischer (Verts), Jakob Büchler, Ruedi Lustenberger, Arthur Loepfe et Pius Segmüller (PDC). Le fait que la demande de l’UDC de soumettre la question au référendum ait été rejetée donnera matière à débat au sein du peuple suisse, véritable souverain.
Ruedi Lustenberger, pourquoi vous êtes-vous opposé au prêt au FMI ?
Pour des raisons de principe. D’autre part, la manœuvre du PS me déplaisait.
Quelle manœuvre ?
Le PS a subordonné son oui à une condition: augmenter l’aide au développement. Au point de vue politique, c’est légitime; mais la manœuvre m’a donné l’impression d’un chantage. Cette manière d’agir ne m’impressionne pas, j’ai refusé ce marchandage.
Et quelles sont vos réserves de principe à ce prêt au FMI ?
Je suis très critique concernant le FMI. Il est devenu une organisation monstrueuse qui a probablement perdu le contrôle de ce qu’elle fait.
Pourquoi ? 
Le monde financier ou plus exactement les sys tèmes financiers mondiaux, et les banques centrales en font partie, ne sont plus gérables. Les budgets d’une partie des Etats présentent d’énormes déficits de plusieurs milliers de milliards de francs suisses. Cela a pris une ampleur qui n’est plus maîtrisable.
Si l’on implique trop la Suisse dans ce mécanisme et cette évolution, nous risquons d’enregistrer un jour des pertes de plusieurs milliards et je ne suis pas disposé à encourager cette politique. De plus, nous savons que deux tiers des réserves d’or de la Banque nationale appartiennent aux cantons, mais on ne leur demande pas leur avis. Le Parlement se prononce sans tenir compte des cantons. Par égard pour le peuple suisse, je ne pouvais plus prendre cette responsabilité et j’ai voté non.
Geri Müller, pourquoi avez-vous voté non?
Le FMI est un instrument destiné à lutter contre l’instabilité monétaire, mais il s’est manifestement transformé en un amortisseur de dettes. L’expérience a montré qu’on a rencontré des difficultés avec l’aide, en particulier parce qu’on est intervenu dans les infra structures des pays. Plus tard, il était difficile de reconstruire l’Etat parce que les per sonnes les plus importantes de l’administration avaient été licenciées.
On a délibérément attaqué de l’extérieur les pays qui avaient des difficultés finan­cières, on les a pillés puis on leur a accordé un crédit qu’ils ont par la suite remboursé à leur banque et se sont retrouvés en faillite. C’est un mauvais mécanisme.
Maintenant, il y a eu des réformes, mais elles ne sont pas encore assurées. Et je me dis qu’avant de parler de ce genre de crédit, il faut d’abord comprendre ce qui se passe dans chaque pays. Franchement, l’Irlande s’est trompée en exonérant d’impôt de nombreuses entreprises. La Grèce n’a plus exigé d’impôts pendant des décennies mais elle a prévu d’énormes achats d’armes sans pouvoir les financer, etc.
En Espagne, on assiste à un désastre immobilier qui était prévisible il y a trois ou quatre ans. Le régime de l’UE, avec ses critères de convergence notamment, n’a pas fonctionné, bien qu’on le critique depuis deux ou trois ans. Mais on ne l’a pas corrigé. Personne n’a voulu le faire.
Jakob Büchler, pourquoi avez-vous voté non?
Quand on sait combien le Parlement se montre avare quand il s’agit de l’Armée, j’ai du mal à supporter la récente décision. Notre Armée a besoin de crédits. Or le Parlement les lui coupe de plus en plus. 3,87 milliards au cours des 12 dernières années et l’on accorde facilement un crédit considérable au FMI. Bien sûr, la coopération avec les pays étrangers est importante. Mais j’ai de la peine à admettre que l’on accorde si facile ment un tel prêt. Pourquoi est-on aussi avare quand il s’agit de notre pays, de notre sécurité? C’est difficile à comprendre. Mon «non» était bien réfléchi.
Nous accordons ce prêt sans garanties et si les choses vont mal, nous perdrons énormément d’argent. Bien sûr, on dit maintenant que ce sont des moyens financiers de la Banque nationale, mais il s’agit de la richesse nationale. Je ne peux pas voter oui si, en mon for intérieur, je pense non. Alors, je n’ai pas suivi la consigne du parti. Nous ne votons pas toujours contre le groupe parlementaire, mais cette fois-ci, il n’y avait pas moyen de faire autrement. Ne pas exiger de garanties mènera à une catastrophe. Si l’Europe échoue encore plus et que les dettes souveraines des Etats de l’UE augmentent, l’argent partira en fumée et nous ne pourrons rien faire
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Horizons et Débats

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