mercredi 27 janvier 2010

Il a été arraché à sa patrie...




"C’est vraiment un très grand drame que celui de l’opposition violente où ont été le nationalisme et le socialisme. Peut-être le plus grand des temps modernes. C’est lui qui a mis en question l’existence même de la civilisation. […]. Et sachez-le bien, ce n’est pas seulement à cause de l’internationale marxiste, sachez bien que ce n’est pas seulement à cause du caractère international du salaire – sachez bien que c’est parce que l’anarchie économique et sociale du monde moderne a jeté l’ouvrier, mille et mille fois, en dehors de sa patrie ? Et ceci au sein même de sa patrie ! Cette anarchie a transformé un nombre énorme d’ouvriers en nomades, sur la terre même à laquelle ils sont profondément attachés. On peut dire que, s’il y a eu un développement de l’internationalisme dans certaines parties des classes ouvrières, c’est par une exaspération du patriotisme blessé.

Pour l’ouvrier, pour la famille ouvrière, la patrie ce n’est pas une abstraction, ce n’est pas une idée, ce n’est pas un sentiment : c’est une société vivante qui nous donne ses bienfaits chaque jour, parce que l’ouvrier est plongé au cœur même de la vie nationale, et qu’il ne peut s’en évader sans perdre son sang. L’ouvrier n’emporte pas sa patrie dans son portefeuille. Sa patrie ne se déplace pas avec lui. Par tous les actes de son existence, il lui est attaché. Un bourgeois, et beaucoup de bourgeois pourront, à la rigueur, changer de ciel, et résoudre avec un carnet de chèques tous les problèmes posés par ce changement. L’ouvrier non. La famille ouvrière, pas du tout. Car la patrie, pour la famille ouvrière, c’est l’ensemble des familles auxquelles on est apparenté et qui habitent dans la même rue, ou dans la rue voisine. C’est l’ensemble des familles qui vous connaissent depuis votre enfance, et à qui votre père ou votre oncle ont rendu quelques services. Et cet ensemble de familles, c’est la grande société d’assurances mutuelles de la famille ouvrière […]. C’est tout ce qui fait qu’un homme, sa compagne et ses petits se sentent soutenus, encadrés, aimés, et n’ont pas a terreur de tomber, de voire la misère éteindre le foyer au premier accident de l’existence.

Cela, c’est pour l’ouvrier, la patrie vivante. Il ne peut s’en évader sans péril. Vous autres, bourgeois, vous avez des femmes de chambre, des bonnes d’enfants, des nourrices, des institutrices. On ne vous le reproche pas. Mais sans institutrices, sans nourrices, sans bonnes d’enfants, sans femmes de chambres, comment peut-elle organiser sa vie, la mère de famille ouvrière, si elle n’a pas près d’elle sa mère, ses oncles et tantes, ou les amis de ceux-ci ? C’est cette association de familles ouvrières, que rien, rien ne peut remplacer, ni les bonnes sœurs, ni les bonnes œuvres, ni la solidarité démocratique, ni les assurances du gouvernement ; c’est cette association de famille ouvrières, cette véritable patrie ouvrière vivante expression de la grande patrie, que l’anarchie économique du XIXe siècle, a complètement détruite dans certaines parties de la nation.

Lorsque certains développements d’industries affolées ont bouleversé les centres ouvriers, lorsque l’ouvrier a été obligé de prévoir que, travaillant aujourd’hui à Puteaux, il devrait aller demain à Montrouge, ou après demain au Havre ou ailleurs – la patrie a cessé d’être une réalité vivante pour tous les ouvriers réduits à la condition d’individus isolés, chacun flanqué d’une compagne ayant la terreur de l’enfant – et tous deux nomades. C’est de ce temps que date la grande angoisse ouvrière. Dans ce monde si savant de la grande industrie, l’ouvrier se sentait déjà écrasé par la puissance des forces économiques. Séparé des siens, de ses parents, de ses amis, il s’est senti un être sacrifié. Il a perdu le contact avec la nation. C’est n’est pas lui qui est devenu un sans patrie. Il a été arraché à sa patrie. Mais comme il foule le sol même de se patrie, il traite sa patrie de marâtre ; il l’accuse de l’avoir privé, lui, de la justice sociale.

C’est pour une nouvelle organisation de la production, arraché à l’anarchie économique, que l’on résoudra le problème social posé à la famille ouvrière. Mais il faut bien savoir que l’on ne découvrira rien dans cette direction si, dans la construction nouvelle, on n’est point guidé par la recherche de la justice sociale. […]. C’est pourquoi les catholiques, et avec eux tous ceux qui ont un vif sens social, seront parmi les meilleurs artisans de la reconstitution de la patrie ouvrière. C’est un des grands objet du fascisme que de rendre sa patrie à l’ouvrier français nomadisé par une économie inhumaine […]."

Georges Valois

Zentropa.splinder

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