mardi 19 janvier 2010

Nature et déchéance de l’Amérique


L’Amérique, ainsi que l’avait prédit Hegel, se retournerait contre l’Europe aussitôt que son acquisition des terres continentales serait arrivée à terme et aurait trouvé une conclusion naturelle en la frontière Ouest ouverte sur l’Océan Pacifique. La prédiction de Hegel (1) s’est réalisée. L’Europe est aujourd’hui américanisée, après qu’elle ait été défendue lors de deux guerres mondiales seulement par l’Allemagne et ses Alliés : en vain, car l’Angleterre et la France, puissances coloniales extra européennes situées à la bordure Ouest de notre continent s’abaissèrent jusqu’à devenir des têtes de pont de l’Amérique.

Immédiatement après le débarquement en Sicile, la destruction de l’appareil d’état et la réinstallation de la Mafia au pouvoir marquèrent l’entrée en action de l’Amérique dans la conquête de l’Europe. L’imposition d’un deuxième système politique, donc la restauration du système des partis dans leur variante libérale et bolchevique, fut la phase suivante menant au remplacement de la forme gouver-nementale européenne par un pouvoir de classe avec, au début, des classes sociales encore concevables, mais par la suite ce furent la classe politique et finalement la racaille en tant que classe, c’est-à-dire le crime organisé, qui parvinrent au pouvoir. Presque partout en Europe se multiplièrent les signes d’une criminalité gouvernementale, le pouvoir étant apparemment entre les mains d’une coalition de la classe politique et de la classe criminelle. Une telle situation est cependant profondément américaine.

A l’issue du vingtième siècle, la pensée politique se trouve dans un bouleversement qui de l’Utopie l’a menée au Topos [le mot utopie vient du Grec : ou (non) et topos (le lieu). Ainsi l’utopie est un lieu inexistant et le topos un lieu réel et physique. Le Nouvel Ordre Mondial est une tentative visant à transformer des projets utopiques en réalité.] Venant de nulle part nous nous retrouvons chez nous dans le lieu commun, la banalité. Nulle part et partout ont une signification identique pour le nomadisme qui s’empare du pouvoir mondial, le ubi bene ibi patria [en gros : la patrie est là où l’on se sent bien] de ces tiers-mondistes qui, tout en faisant l’éloge de l’unité mondiale, cherchent à récolter, à leur propre profit et sous la bannière des droits de l’homme, le produit du travail de tout peuple de culture économiquement organisé.

Nulle part se trouve partout. Comme puissance politique, il veut être partout et dominer partout : c’est l’interventionnisme mondial et l’impérialisme mondial. Cette puissance est pure puissance utopique qui déploie le pouvoir de l’Utopie. En tant que pouvoir, l’Utopie est le pouvoir de la délocalisation [le mot alle-mand Entortung implique davantage une notion de désacralisation : imaginez tout le tape-à-l’œil d’un MacDonald installé sous la rosace d’une grande cathé-drale…] qui se rassemble dans un quartier général temporaire. Le présent quar-tier général de cette domination nomade du monde est l’Amérique. Dans son économie, ce n’est pas le capital productif (en tant que moyen d’entreprise) qui prédomine, mais le capital prédateur (en tant qu’objet de spéculation).

La conception du capital en tant qu’objet de spéculation est extra historique et extractive dans son nomadisme : elle est judéo-américaine. La conception du capital en tant que moyen de production est techniquement historique et instau-ratrice de sédentarité : elle est allemande et germanique. Comme puissance militaire, l’utopisme nomade se manifeste comme une sauterelle bondissant à travers les airs et par-dessus les mers, une tempête du désert, un défoliant de forêts et empoisonnement des champs, sa tactique est l’agression. La puissance militaire sédentarisée et fermement établie sur son territoire s’appuie par contre sur les forces terrestres.

Des puissances maritimes telles que l’Amérique ne sont jamais fermement établies sur leur territoire : elles nagent. Aussi peut-il y avoir plusieurs puissan-ces terrestres de rang mondial installées à proximité les unes des autres, mais jamais plus d’une seule puissance maritime mondiale. La terre est garante de mesure et d’équilibre, la mer induit la démesure. Toute puissance navale porte en elle la nature utopique de l’océan. Ces puissances sont en outre enclines à un nomadisme maritime parasitaire qui tôt ou tard s’échouera ou sera coulé, ce par quoi la puissance utopique trouve le sol qui lui est destiné : le fonds de l’océan.

Les puissances maritimes sont impérialistes. Elles bâtissent des empires impies car la mer ne connaît pas de sanctuaire, n’est construite ni sur de poutres ni ne peut supporter les colonnes du ciel. On ne trouve point de bosquet divin ni de montagne sacrée dans cet élément. Aucun ordre, aucune justice ne peut prendre racine dans l’eau. Là où il n’infiltre pas le sol mais s’ajoute à l’immensité monstrueuse de l’océan, l’élément liquide ne justifie aucune confiance mais plutôt une méfiance permanente due à la conscience de l’omniprésence du danger. On ne peut accorder davantage de confiance à l’océan qu’à la puissance maritime.

La mer n’engendre aucune foi mais, outre les cruautés de la piraterie, seulement la bigoterie et l’hypocrisie. Dans le cas anglo-américain, elle est enveloppée de l’utopisme calviniste et puritain de la sainteté du succès matériel, c’est-à-dire de l’illusion que le salut éternel dans l’au-delà peut être obtenu dès ce monde par un succès matériel acquis au travers de l’interaction sociale. La disparition de l’Angleterre comme puissance maritime et mondiale peut, dans certaines limites être considérée comme un paradigme du déclin qui attend les Etats-Unis d’Amérique.

L’Amérique est une puissance par-dessus tout utopique, dont les projections ne se limitent pas à celles d’une puissance maritime classique. L’Amérique ne se borne pas à la guerre, au commerce et à la piraterie, ni encore à la stratégie mondiale ou la mégalomanie navale qui considère les côtes des autres conti-nents comme des têtes de pont à occuper militairement. C’est seulement dans la guerre des étoiles, dans l’utopisme cosmique de la navigation spatiale que l’Amérique trouve la pleine expression de son caractère.

Il y a plusieurs raisons à ce que l’Amérique soit devenue ce qu’elle est. Tout d’abord, bien qu’étant le Nouveau Monde elle n’est qu’un rebut de l’Ancien. Elle est un rebut de l’Europe mélangé aux nomades. Elle est un amalgame de populations composé de Philistins et d’expulsés du paradis terrestre, de déraci-nés provenant des classes inférieures de l’Europe ainsi que de Juifs de l’Est. Mais par le fait que la majeure partie des immigrants qui ont peuplé les Etats-Unis d’Amérique n’est sont pas anglaise mais allemande (28%), l’essor de cette puissance utopique que constitue le Nouveau Monde représente une dette alle-mande vis-à-vis de l’Histoire. Une dette que deux guerres mondiales perdues et une période d’après guerre gagnée n’ont pu amortir et que seule une européani-sation de l’Amérique permettra d’effacer.

L’Europe doit dès à présent se désaméricaniser, rétablir sa propre capacité historique et briser le pouvoir de l’Utopie en éliminant la puissance utopique. La fatalité liée aux Etats-Unis d’Amérique ne pourra être surmontée que par une relocalisation de leurs populations dans des espaces de colonisation nationaux et homogènes d’où ils pourraient, en se rassemblant selon leurs caractéristiques linguistiques et ethniques, rétablir une relation particulière avec leurs peuples européens d’origine.

Il devrait y avoir en Amérique, non seulement un Québec français et une Nouvelle-Angleterre anglaise, mais aussi surtout une Amérique allemande en tant que plus important des états nationaux, de même que d’importants nouveaux pays scandinaves. C’est le plus vraisemblablement sous les pressions des populations non européennes que les états à nouveau européanisés de l’Amérique du Nord en arriveront à souhaiter s’incorporer dans l’ordre mondial de l’Europe des peuples.

Si l’Allemagne ne parvient pas à imposer cette voie de développement d’états nationaux européens à l’Amérique, les USA continueront à imposer leur mode de vie à l’Europe et au reste du monde. L’Europe devenant alors semblable à l’Amérique connaîtra le même destin que celle-ci : soit au cours d’une effroya-ble guerre interraciale se déroulant simultanément des deux côtés de l’Océan Atlantique, ou encore sous la forme d’une société figée de type indien dans laquelle les oppositions de classes et de races se solidifieront en un système de castes. La déconstruction de l’Amérique, de même que sa reconstruction, ne représente donc pas seulement la question d’être ou de ne pas être pour l’Allemagne et l’Europe des Peuples, pas seulement un choix entre l’ordre ou le chaos, mais aussi la croisée de chemins entre la fossilisation et le développement.

Par sa composition, l’idéologie américaine est une mixture diabolique de purita-nisme, d’insanité vétérotestamentaire, de lubie du Nouveau Monde, de mythe du Far West, de même que de zèle missionnaire provenant d’un sentiment d’infériorité (tel qu’on le trouve dans le chauvinisme polonais ou le panslavisme des Russes et des Serbes). L’américanisme possède, en tant qu’idéologie, une virulence encore plus élevée que le panslavisme car, par son biblisme puritain, il porte en lui l’idéologie si hostile au genre humain que représente l’élection divine.

Les Pères Pèlerins apportaient, lors de leur émigration vers l’Amérique, une des formes sectaires et extrêmes de la réforme calviniste qui avait connu un échec dans la sensibilité religieuse européenne. Le Calvinisme était déjà pour sa part une tentative avortée de réforme de la foi catholique qui s’était fourvoyée en faisant de la société un principe absolu.

Le puritanisme est un fondamentalisme juif introduit par des Anglais, qui devait finir par échapper au contrôle de Juifs seulement idéologiques, en l’occurrence ceux du nomadisme maritime et capitaliste du type WASP [White Anglo-Saxon Protestant], pour tomber sous celui de Juifs véritables. A présent, comme mau-vais début de la bonne fin de la puissance mondiale utopiste, c’est la queue d’Israël qui agite le chien états-unien, la tempête du désert apocalyptique de Jéhovah menaçant du feu nucléaire tous les peuples de culture autour du monde. Cette manière nomade d’assurer sa subsistance est néanmoins très instable. Elle ira bientôt à sa perte car la menace nucléaire étatique comporte un risque bien plus grand que le terrorisme nucléaire privé auquel on peut s’attendre.

Que le traité de non prolifération des armes nucléaires par le marché noir vienne à échouer, c’est alors l’arme principale dont dispose la politique étrangère à l’encontre de toute résurrection du Reich allemand qui perd son efficacité. La chute des prix et la distribution d’armes nucléaires tactiques ou adaptées aux tactiques de guérilla à toutes les petites puissances dont l’existence est menacée, mais tout particulièrement l’adoption de ces armes par des mouvements de libération nationale de peuples privés d’états que le totalitarisme américain traite en non peuples, le blocus que la politique internationale maintient à l’égard de l’Allemagne cessera d’exister car le rôle de celle-ci deviendra nécessaire en tant que puissance nucléaire veillant au contrôle des armements nucléaires. La mise en disponibilité non discriminative d’armes nucléaires ou NBC [Nucléaires, Bactériologiques et Chimiques] comme symbole général de souveraineté des peuples rendra toute puissance capable de discipline et hautement développée techniquement indispensable au maintien de l’ordre dans cet aspect de la liberté des peuples. Les puissances de l’Axe Allemagne-Japon seront pour le moins les puissances techniques dirigeantes d’un monde dans lequel le principe un Peuple = un Etat aura été imposé, avec toutes les libertés se rapportant aux techniques d’armement et où les dangers résultant de ces libertés ne pourront être gérés qu’en conformité avec le droit international.

Le dogme catholique a en grande partie contribué à faire oublier la Bible et en particulier l’Ancien Testament. C’est incontestablement le mérite historique et spirituel de l’Eglise Catholique d’avoir imposé une européisation du Christia-nisme, cette variante de religion orientale. Par la traduction de la Bible en lan-gues populaires européennes due aux réformateurs protestants, la barbarie et l’insanité de l’original sémitique ont pu pénétrer la conscience religieuse des Européens.

Partout où d’autres réformes de l’Eglise Catholique que celle de Luther ont été tentées, telles que les variantes ouest-européennes de réformes de l’Anglicanisme, du Puritanisme et du Calvinisme, il est demeuré un Catholi-cisme tronqué qui a remplacé la sainteté des actes par la sainteté du succès et qui a propagé la dissolution de la communauté, l’atomisation sociale et finalement une conception impie de l’Empire aboutissant à l’impérialisme bigot et à l’interventionnisme mondial.

Dans les tentatives de réforme de type calviniste, le facteur de reconnaissance sociale au sein de la communauté fut élevé au rang de principe absolu et le succès ou l’échec social de l’individu considéré comme une preuve de son salut ou de sa damnation pour l’éternité. L’imposition forcée de cette vision du monde sous ses formes religieuses, géopolitiques et sociopolitiques ouvrit la voie à la métamorphose du monde en un tas d’ordures. Au moyen du capitalisme et de la démocratie, tous les ordres établis sont détruits, les peuples réduits à des rebuts de la population mondiale et les économies nationales à des rebuts de l’exploitation des ressources mondiales.

Le capitalisme et la démocratie possèdent une force de destruction qui ne peut être freinée s’ils ne sont pas limités par un mode de pensée qui leur soit par nature étranger et s’ils peuvent déployer sans entrave leur caractère atomisant et quantitatif. Cette vision atomisante et quantitative du monde se concentre sur-tout par conséquent sur les unités monétaires dans lesquelles s’expriment le capital et son profit, ainsi que sur les nombres de voix électorales par lesquelles le potentiel de domination démocratique et l’accroissement de ce pouvoir peu-vent se mesurer. Le capitalisme et la démocratie ont en commun cette conception quantitative et atomisante qui aboutit à la destruction de tous les biens et de tous les peuples par leur transformation en unités monétaires et en voix électorales. Un seul système monétaire pour tous les capitaux du monde et un seul suffrage universel pour tous les citoyens de la population mondiale représentent l’aboutissement logique du mode de pensée capitaliste et démocratique. Dans cet esprit, une démocratie est d’autant plus légitime qu’est important le nombre d’électeurs votant, même si une démocratie ne représente nullement le droit d’un peuple à disposer de lui-même mais bien la destruction de tous les peuples véritables qui seront dès lors considérés dans leur ensemble comme une minorité (comme le peuple boer), leur droit à disposer d’eux-mêmes n’étant pas permis et devant être sanctionné.

En Amérique, cet épouvantable Nouveau Monde est devenu réalité. Il est cepen-dant de règle qu’à la terreur sans fin succède une fin dans la terreur. Cette plus grande terreur est encore à venir pour les Etats-Unis d’Amérique. Le déclin moral et économique persistera aussi longtemps qu’ils chercheront à échapper à cette plus grande terreur. Le moment propice à une division des Etats-Unis d’Amérique en cantons a, selon toute apparence, déjà été dépassé.

La meilleure solution pour les Etats-Unis d’Amérique serait leur européisation ou division de la société unitaire totalitaire de type individualiste et libéral en états populaires souverains, c’est-à-dire en nations réelles basée sur le principe d’un Peuple = un Etat. La pire des fins que pourraient connaître les Etats-Unis d’Amérique serait une guerre civile interraciale d’où émergeraient par fusion, selon toute probabilité, de nouveaux peuples à caractère naturellement racial qui n’auraient plus aucun lien avec leurs origines ethniques et culturelles. La fin des Etats-Unis d’Amérique à laquelle nous assistons à présent commence fort mal : le capitalisme démocratique semble triompher partout dans le monde.

Entre-temps des penseurs états-uniens et canadiens ont entrepris la recherche d’une guérison naturelle de leur demi continent. Ils se sont ralliés sous le mot d’ordre du communautarisme et de la communauté communale. Ils se réfèrent à l’esprit communautaire des premières communes de pionniers à l’époque de l’occupation du pays.

Le Canadien Charles Taylor critique le déficit représentatif inhérent à la démo-cratie libérale et postule, en rejoignant par là la pensée de Herder, Humboldt et Hamann, la primauté du métaphorique dans le collectif, qu’il interprète comme une formation collective humaine trouvant son expression de manière linguisti-que. D’un point de vue philosophique, il s’oppose au mode de falsification de même qu’au modèle matériel émetteur-récepteur auxquels la langue est soumise, celle-ci étant selon lui une manière pour la communauté de trouver sa propre voie qui est une découverte ininterrompue de la langue. Selon lui, le rapport effectif avec la réalité est garanti par l’activité humaine. Ceci est d’autant plus juste que la formation de la langue, tout comme la formation de chaque personne ou de chaque peuple suit un processus logique de génération qui est toujours une logique communautaire dont dérive la logique de production des biens matériels.

D’autres noms dans le débat communautaire sont Alistair MacIntyre, William Sullivan, Michael Sandel, Robert Bellah et Michael Walzer. Leur conviction commune est que la nature des questions actuellement non résolues dans les pays occidentalisés ne peut être appréhendée que par un retour à la vision com-munautaire. Ils présentent l’époque actuelle comme une période d’accélération de l’isolement individuel dont les conséquences toujours destructives ne pour-ront qu’affaiblir et décomposer davantage les institutions américaines. « Les Américains, » écrit Bellah, «ont poussé la logique de l’exploitation à un tel extrême, qu’elle semble non seulement mener à un échec au plus haut niveau… mais aussi à un effondrement personnel et familial dans la vie de nos conci-toyens. Les temps sont mûrs pour un nouveau paradigme dont le modèle fonda-mental visera au développement culturel et non plus à l’exploitation». Il importe de retrouver le sens et les objectifs de la vie en commun des Américains. « Ce qui fut longtemps écarté car considéré comme trop idéaliste semble être au-jourd’hui le seul réalisme possible… » (FR 28.1.92).

Dans la conception de Hegel, cela signifie que les Américains, dans leur disposition d’esprit actuelle, en sont restés au stade de développement de la justice et de la moralité abstraites, les niveaux plus élevé de la moralité [le mot allemand Sittlichkeit, qui se traduit habituellement par moralité, implique une connotation de coutumes et de traditions ayant force de pratique morale] leur reste inaccessible. Au stade de la moralité le droit est intériorisé et, dans cette mesure, livré aux désirs sauvages de cette intériorisation. C’est d’abord dans la famille que ces désirs sont moraux car l’individu étant placé à un haut niveau, au sein de cette communauté fondée sur l’amour, son activité peut, non seulement s’épanouir en tant qu’objectif moral, mais aussi se subordonner à l’objectif collectif de bien-être familial. Le fait qu’un fermier américain rémunère son fils qui l’assiste dans son travail par un salaire montre bien qu’en Amérique il n’existe point de famille dans le sens européen du terme, mais seulement des contrats sociaux privés. Dès qu’intervient, entre conjoints ou entre parents et enfants, les conditions d’un contrat, le mariage devient en réalité un divorce et la famille est dissoute.

Le libéralisme américain, ainsi que l’explique William Sullivan dans son ou-vrage « Reconstructing Public Philosophy » (Berkeley 1982), considère l’individu comme étant animé par ses passions, dans la crainte du malheur et la recherche de la commodité, de telle sorte que toutes les relations humaines demeurent extérieures à sa personnalité, dans le droit abstrait donc immoral. Par là, les relations communautaires (que Sullivan nomme valeurs) sont désintégrées et transformées en pure relation de pouvoir. A cela correspond une conception du savoir comme dissolution des ensembles plus complexes en éléments simples. C’est pourquoi le libéralisme est si étroitement associé à cette croyance moderne dont la Science, en tant que puissance d’analyse et de recombinaison à des fins de contrôle, constitue l’objet. Dans cette application sociale, la raison se trou-vant instrumentalisée et réduite à un moyen de satisfaction des désirs individuels, la politique dégénère en une lutte pour le pouvoir. Mais comme la raison n’implique pas une notion de moyen mais de fin, de même que la politique n’est pas une notion de pouvoir mais bien une notion de droit et de justice, ce qui ressort de l’analyse de Sullivan est aussi bien le manque de bon sens que la nullité politique du libéralisme en général, et de celui de l’Amérique en particu-lier.

Sullivan résume : “The whole liberal construction of an analytic science, an individual motivation, and an instrumental, utilitarian politics, which has seemed a complete and objectively secured – almost self-evident – view of human affairs is now at sea.” (2) (p.28). Donc l’Amérique nage, elle est « à l’eau », c’est-à-dire dans un état de confusion fondamentale. La dynamique du processus de décomposition se dirige, d’après Sullivan, vers la désagrégation de tous les liens sociaux et, dans le cas extrême, une régression à l’état naturel et primitif d’un combat de tous contre tous : « the near desperation of the proponents of philosophic liberalism is understandable » (3) (p.58). La prépondérance de l’idéologie libérale dans le débat public aggrave le problème : la société mar-chande basée sur la concurrence et la sacralisation de la réussite matérielle a sapé la réalisation libérale de la sécurité de l’individu et du bien-être collectif, et de fait par rien d’autre que l’effet du libéralisme lui-même. Sullivan estime au contraire que l’individu et le citoyen ne peuvent être envisagés qu’en fonction du bien public et de la collectivité et qu’aucune vie humaine en commun ne pourrait réussir sans l’effet stabilisant d’une communauté vivante ni sans forme de vie religieuse.

Dans les théories des communautaristes américains apparaissent déjà les proba-bles points de rupture religieux de l’effondrement prévisible des Etats-Unis d’Amérique. Les principales distinctions peuvent être observées entre les orien-tations de pensées aristotélicienne classique, aristotélicienne catholique, idéaliste allemande et juive moderne. Tous les penseurs non juifs sont critiques à l’égard du modernisme. Le Juif américain Michael Walzer, soutient par contre le totali-tarisme social, l’idéologie de l’immigration et le culte de la modernité à l’intérieur du débat communautariste. En pensant que les idées politiques de la modernité sont dérivées d’un courant de tradition qui remonte aux origines de la religion juive, il a tout fait raison. Les idées modernes de liberté ne sont en effet, selon lui, rien de plus qu’une interprétation remise à jour du récit de l’Exode de la bible hébraïque et le contrat social de la philosophie des lumières aurait été ébauché selon la représentation israélite de l’alliance conclue par Dieu avec son peuple.








Il s’ensuit pour Walzer le concept d’une morale interprétative (4) pour l’ensemble du monde actuel, donc sa talmudisation. Par là, il représente la condition spirituelle présente du monde américanisé, c’est-à-dire l’éternelle interprétation d’une migration toujours en mouvement, comme étant le seul objectif digne d’être poursuivi. Il s’ensuit donc que la pensée de Walzer n’est pas critique mais affirmative. Ce qui caractérise Walzer, dont la pensée se présente toujours pourtant comme visant à la construction d’une société com-munautariste, consiste à faire passer la société libérale occidentale, donc le totalitarisme social même, pour une valeur et force créatrice de communauté se transmettant dans une interprétation continuelle de l’histoire du Juif errant. Accepter une théorie de la connaissance aussi interprétative reviendrait à accor-der aux talmudistes une victoire éternelle dans la lutte pour la conscience mon-diale.

Si dans l’ensemble les communautaristes peuvent être considérés comme des critiques de la situation que connaît l’Amérique, les contractualistes (p. ex. Nozick et Rawls) en sont ouvertement les affirmateurs. Toute forme absolue de pensée contractuelle en arrive à l’idéal de l’état minimaliste et finit devant le problème de garantir aux masses paupérisées, à la clientèle sociale sans cesse croissante, une forme de subsistance qui ne consiste pas en timbres de rationnement mais en paiement d’argent, de façon à maintenir parmi ces populations (du moins au plan formel) une éthique contractuelle quant à l’illusion monétaire et leur appartenance (minimalisée) à une classe de consommateurs.

En Amérique, l’idée de lutte des classes n’a jamais pu prendre pied, car la lutte raciale pour cet immense espace est toujours resté viscéralement perceptible : contre les Indiens, les Noirs et le immigrants d’origine non européenne. Par contre, la lutte raciale a beau être tout à fait niée pour des raisons d’ordre idéo-logique (comme c’était le cas dans l’ex-Union soviétique), elle n’en resurgira pas moins avec force car tout concept historique de lutte des classes dans le sens du totalitarisme social reste associé à la différence naturelle entre les hommes, de manière à pouvoir rencontrer une différence parmi ceux-ci. En tant que possesseur de biens et par là participant à la société bourgeoise, ils ne se diffé-rencient pas mais se ressemblent car sur le marché, une marchandise est sembla-ble à une autre et le peu de valeur de la marchandise individuelle est compensée par sa quantité. La lutte des classes de marchandises les unes contre les autres sera en effet menée pour la maximalisation du degré de valeur et sert donc de détermination de la condition d’échange réelle et de sa norme, mais ne peut être réalisé dans des formes identiques d’échange de biens mais seulement dans leur forme naturelle non identique. Une des déterminations naturelles concernant les biens et les événements est la race, mais aussi l’humanité, le naturel et le carac-tère non polluant, la protection des espèces, la durée de conservation, la maturité technique, la nécessité de soins et l’embellissement des lieux de travail. Dans l’histoire mondiale, l’idéologie raciale a aussi à maintes reprises pris la relève de l’idéologie de classe.
La plus grande partie de la population des Etats-Unis d’Amérique a été consti-tuée (tout au contraire de la population de l’ancienne Union soviétique) par l’addition d’individus qui, les uns après les autres, sont passés au travers du filtre des services d’immigration des grandes villes portuaires. Ces individus étaient déracinés et le point crucial est qu’ils s’étaient déracinés eux-mêmes par un acte volontaire. En Amérique, préférant de fait le voisinage d’émigrants de la même appartenance ethnique, ou bien apparentés à celle-ci, ils constituèrent des ghettos nationaux plus ou moins rigoureusement délimités qui jusqu’aujourd’hui n’ont cependant jamais eu la force d’établir un lien exclusif ni même un lien régionaliste avec le sol sur lequel ils s’étaient installé. Aussi longtemps que les descendants des anciens immigrants vivront aussi en Amérique dans le même déracinement, sans avoir pu établir une relation particulière de nature raciale ou ethnique avec le pays où ils se sont établis ni avec une patrie particulière ex-cluant l’étranger, l’Amérique conservera le caractère d’un pays d’émigration. Dans ces conditions, un pays d’émigration signifiera toujours le statut d’apatride dans le pays où l’on habite et dont on est citoyen.

Seul un pays d’émigration pouvait inventer la nation-état formelle, c’est-à-dire développer la notion confuse selon laquelle, par un simple acte administratif, par l’autorisation de s’établir sur un territoire, on devient membre d’un peuple. La notion correspondante apparue dans la France de 1789 et des années qui suivi-rent est une importation américaine par des francs-maçons trafiquants d’idées.

L’Amérique traite la société comme un rassemblement de groupes, mais l’état comme la somme des citoyens individuels. L’état américain est par conséquent une institution de droit abstrait et purement formel qui se compose de citoyens en tant que titulaires des droits de l’homme tandis que la société américaine est le lieu d’affrontement des intérêts de groupes. L’un comme l’autre sont des phénomènes pré-moraux qui, dans le meilleur des cas, conduisent à une moralité de pure forme. L’existence des Etats-Unis d’Amérique ne demeure possible que dans la mesure où une nette dissociation peut être maintenue entre l’état et le peuple. Même l’apparition d’un état souverain et populaire québécois pourrait ébranler la raison d’être des Etats-Unis d’Amérique pour laquelle les groupes ethniques ne peuvent jamais constituer autre chose que des associations volontaires à l’intérieur d’une société unique. L’Amérique est donc non seulement une puissance utopique mais la tentative de réalisation de l’idée immorale d’une souveraineté d’état s’élevant au dessus de tous les peuples. L’expérience des Etats-Unis d’Amérique peut dès aujourd’hui être considérée comme un échec. L’autodestruction effective des Etats-Unis d’Amérique en tant qu’état nécessitera un choc plus puissant que la désintégration de l’Union soviétique, mais connaîtra cependant, selon toute vraisemblance, une déroulement de loin plus douloureux et plus sanglant, car le libéralisme à la différence de son petit frère radical, le bolchevisme, n’est même pas encore arrivé à un semblant de solution de la question des nationalités. Les Etats-Unis d’Amérique, ce pays d’immigration, qui impose au monde entier ses propres conditions de formation, sont l’ennemi mortel de tous les peuples naturels car leur doctrine n’a d’autre objectif que la mort ethnique de ces peuples. A ces fins, la législation américaine a dès le 19ième siècle élevé la libération à l’égard de la patrie d’origine, le reniement de leur patrie d’origine par les immigrant débarquant en Amérique, au rang d’un droit naturel inhérent à tout être humain sur Terre : « Expatriation is a natural and inherent right of all people » (5) (Acte du Congrès du 27 juillet 1868). Cette stratégie américaine d’anéantissement à l’encontre de tous les peuples véritables menée au nom des masses démocratisées, a atteint aujourd’hui le point culminant de son agressivité : l’une après l’autre, les nations européennes sont redéfinies par l’opinion mondiale américanisée comme étant des pays d’émigration. Sous cette pression omniprésente, plus aucun gouvernement n’ose défendre le jus sanguinis [droit du sang] de ses ressortissants [en Allemagne, la définition légale d’un Allemand, qui était quelqu’un né de parents allemands, a été abolie récemment par le gouvernement fantoche qui est supposé diriger ce pays]. Au lieu de cela, c’est la politique américaine d’immigrationnisme qui est mise à exécution, et cela sans les critères de qualification exigés par les véritables pays d’émigration. Le résultat est un afflux vers l’Europe de toutes les populations de moindre valeur du globe. Cela ne signifie rien d’autre que la déclaration d’une guerre d’extermination ethnique : unconditional surrender (capitulation sans condition) pour toutes les nations réelles du monde qui ne conforment pas encore à l’utopie américanisée d’une nation mondiale. Les peuples naturels du monde feraient bien de prendre au sérieux la menace de mort que représente pour eux l’Amérique. A l’instar de la défunte puissance soviétique qui avait d’abord voulu réaliser la révolution mondiale, puis par la suite la révolution dans un seul pays [le « socialisme dans un seul pays » de Staline] et son exportation dans tous les autres pays imaginables, la puissance états-unienne vise à l’instauration d’un système mondial non plus socialiste mais immigrationniste.

Date de la première publication : 1992.

VOXNR.com

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