lundi 15 mars 2010

Un national-populisme en Suisse romande ?





David L'Épée (entretien avec Christian Bouchet)  
Un national-populisme en Suisse romande ?  

La Suisse romande (celle où l’on parle français par opposition à la Suisse alémanique) aurait-elle trouvé son Le Pen ? Depuis 2005, Eric Stauffer, à la tête du Mouvement Citoyens Genevois, va de victoire en victoire dans le canton de Genève à chaque consultation électorale en dénonçant l’immigration. Son parti, vient de passer un cap important à la fin du mois de janvier : il a décidé de s’étendre à tous les cantons romands en devenant le Mouvement Citoyens Romands. Occasion pour nous, en s’entretenant avec un de ses cadres, David L’Épée, de découvrir ce parti surprenant qui dénonce l’invasion des immigrés … français, développe un nationalisme anti-libéral et n’a pas soutenu la récente initiative anti-minarets.

La presse annonce la création d’un Mouvement Citoyens Romands auquel vous participeriez. Qu’en est-il ? Pourquoi ce nouveau parti ?

Cette initiative est venue suite au succès phénoménal, dans le canton de Genève, du Mouvement Citoyens Genevois (MCG) qui, fondé en 2005, est devenu depuis fin 2009 la deuxième force politique du canton. En quatre ans, ce parti, né de la volonté de quelques citoyens, est passé de rien du tout à dix-sept élus au législatif de la ville sans parler des élus dans les communes environnantes, ce qui ne s’était encore jamais vu ! Son président, Eric Stauffer, a alors eu l’idée d’étendre le mouvement à d’autres régions de la Suisse romande, conscient que les problèmes sociaux, économiques et identitaires dont souffrent aujourd’hui les Genevois sont à peu près les mêmes dans les autres régions. Comme la ligne programmatique d’Unité Populaire, l’association que je préside – progrès social et souveraineté nationale – est à peu de choses près la même que celle du MCG, j’ai décidé de répondre à cet appel avec quelques uns de mes camarades et nous avons donc participé à la création du Mouvement Citoyens Romands (MCR), présent actuellement sur trois cantons et, nous l’espérons, bientôt sur cinq. Je suis ainsi devenu en charge du Mouvement Citoyens Neuchâtelois.

Le MCG est connu pour son hostilité aux travailleurs français frontaliers. Votre parti est-elle donc une organisation xénophobe anti-française ?

Absolument pas ! Il n’y a ni xénophobie ni quoi que ce soit de ce genre, seulement une analyse économique simple qui nous démontre qu’en temps de crise et de hausse du chômage, il n’y a malheureusement pas de travail pour tout le monde. Dans les régions frontalières de la Suisse, le nombre de travailleurs en provenance de France, d’Allemagne ou d’Italie a explosé ces dernières années, plaçant sans le vouloir nos travailleurs dans un état de concurrence sauvage voulu par un certain patronat. Nous n’avons bien sûr rien contre les Français mais ils doivent comprendre que le temps est venu – c’est du moins ce à quoi nous appelons – de contingenter et l’immigration du travail et le flux frontalier si nous voulons mettre un frein à la précarité qui s’accentue chaque jour chez nous. Beaucoup de Savoyards ou de Franc-Comtois de ma connaissance sont d’ailleurs du même avis, excédés par la morgue de certains de leurs concitoyens qui mènent la grande vie en dépensant chez eux l’argent qu’ils gagnent chez nous.

Comment articulez-vous cette nouvelle appartenance politique avec votre passé de militant de la gauche radicale, puis de contact suisse, via Unité populaire, d’Égalité et réconciliation, d’Alain Soral et de Dieudonné ?

Tout cela s’inscrit dans une démarche cohérente qui n’a fait, je crois, que s’affiner à la faveur de la maturité. Je me suis toujours revendiqué comme socialiste et mon engagement dans la gauche radicale était motivé par cet idéal ; ayant compris après quelques années que cette gauche avait laissé tomber le combat social pour des luttes sociétales et de vagues catéchismes bourgeois confondant trop souvent solidarité et charité, je me suis remis en question et c’est au fil de mes expériences et de mes lectures (Clouscard, De Benoist, Michéa, etc.) que j’ai compris que la garantie de cette justice sociale qui me tenait tant à cœur n’était autre que la nation, à la fois sous l’angle de sa souveraineté économique et de son rapport à l’identité. J’ai ensuite eu la chance de faire la connaissance d’esprits libres comme Alain Soral, Jacques Vergès, Aymeric Chauprade et d’autres qui m’ont fait réfléchir sur le vrai sens de l’engagement politique et les risques que cela implique. J’ai rejoint E&R à titre de “camarade étranger” et j’ai fondé en Suisse romande son pendant, Unité Populaire, club de réflexion décryptant l’actualité et exerçant le même travail d’analyse et de réinformation. Rejoindre le MCR ne constituait donc pas pour moi un changement de fond, seulement de forme, il s’agissait de passer d’un militantisme intellectuel et associatif à un militantisme politique et partisan.

En France, dans la mouvance nationale au sens large, la seule personnalité suisse vraiment connue est Christoph Blocher, et le succès de son parti, l’UDC, fait bien des envieux. Comment vous positionnez-vous par rapport à lui ?

En ce qui me concerne, mon rapport avec ce parti est sans ambigüité : on ne transige pas avec les ultralibéraux, même lorsqu’ils sont grimés sous les couleurs nationales. Le succès de l’UDC repose sur un énorme malentendu : leur discours patriotique, populiste et conservateur (valeurs familiales, éthique traditionnelle) leur assure un large soutien populaire, mais leur programme social et économique, qu’ils mettent d’ailleurs très peu en avant, est un programme typique de la droite libérale – baisse d’impôts pour les riches, licenciements de masse, baisses de salaires pour les petits et parachutes dorés pour les gros, main invisible du marché… Leurs rapports avec l’UBS et les lobbys patronaux ainsi que la présence à leur tête de gros industriels et de fortunes importantes montrent mieux que tout que leur patriotisme s’arrête là où commence la loi du marché. Si notre implantation dans le paysage politique romand réussit, nous serons demain la seule force à pouvoir faire barrage à l’UDC, nous adressant au même public et assumant jusqu’au bout notre engagement social et patriotique. Nous montrerons à nos concitoyens que le “national-libéralisme” est une contradiction dans les termes et qu’aujourd’hui, en ces temps d’agression mondialiste, c’est la patrie qui est le rempart de nos acquis sociaux, de nos libertés souveraines et de notre démocratie directe.

L’initiative contre les minarets a de même eut un profond retentissement en France. Comme Suisse, comment la jugez-vous ? Quelle position avez vous prise à son sujet ?

Autant du côté du MCG que d’Unité Populaire, nous avons appelé à voter contre l’initiative appelant à interdire les minarets car nous la trouvions raciste et inadéquate. Il s’agissait de la mise en scène d’un faux problème utilisé surtout pour détourner l’attention du public de questions plus graves, une stratégie de l’UDC visant à trouver un nouveau bouc émissaire en la personne des musulmans afin de camoufler la réalité de l’accroissement du fossé social et du dépouillement de nos droits au profit de certaines élites. Nous avons tenté de montrer, comme E&R le fait en France, que l’insécurité et la criminalité dans nos rues n’étaient pas liées à un mode de vie inspiré par l’islam mais par un mode de vie inspiré par une violence et un immoralisme propres à l’américanisation de certaines mœurs. La majorité du peuple n’a pas été de notre avis ; nous respectons ce choix car c’est la volonté populaire qui doit toujours primer au final. Même si les verdicts démocratiques ne nous donnent pas toujours raison, la défense de ces droits constitue pour nous un combat primordial, spécialement à l’heure où l’Union européenne voudrait nous rançonner et nous voir rentrer dans son giron. Interdire les minarets n’était certainement pas une bonne décision mais il est hors de question que des Daniel Cohn-Bendit ou des Yann Moix viennent nous apprendre à vivre. Que les bourgeois bien-pensants qui nous accusent de xénophobie viennent nous faire la morale le jour où leurs rangs politiques seront aussi métissés que les nôtres, ce qui ne semble pas être pour demain !

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