Ce livre est le recueil des articles publiés par Alain de Benoist dans Le Figaro-Dimanche et Le Figaro Magazine entre 1977 et 1982. Cinq ans d’une intense production éditoriale dans deux publications nouvelles : Le Figaro-Dimanche d’abord, supplément de fin de semaine du quotidien, dont le patron Robert Hersant confie, à l’automne 1977, la direction à l’écrivain Louis Pauwels ; Le Figaro Magazine ensuite, qui un an plus tard se substitue au Figaro-Dimanche, est également dirigé par L. Pauwels et se présente sous la forme d’un luxueux magazine tout en couleurs, toujours vendu avec le quotidien. Deux innovations dans le monde sclérosé de la presse nationale, mais surtout deux coups de tonnerre dans le ciel serein de l’idéologie de gauche, dominante depuis l’après-guerre.
La Nouvelle Droite se réalise dans Le Figaro Magazine
Dans Le Figaro-Dimanche, comme dans Le Figaro Magazine, on va en effet trouver des thèmes d’articles et des signatures jusque là absents de la « grande presse ». Dans le premier sont notamment publiés des articles sur « l’école philosophique de Francfort », sur « l’engagement des intellectuels », sur « Gramsci et la conquête du pouvoir culturel », sur « les acquis de l’éthologie », sur « l’expressionnisme et la Révolution conservatrice », sur des écrivains ou penseurs comme Raymond Abellio, Ernst Jünger, Jules Monnerot, Carl Schmitt… L’auteur de ces textes, Alain de Benoist, avait plusieurs livres à son actif et avait déjà collaboré à diverses publications, mais avec Le Figaro Magazine, il va pouvoir passer à la vitesse supérieure. A ses côtés, L. Pauwels a réuni une équipe de jeunes journalistes, dont beaucoup se sont formés dans les revues Éléments et Nouvelle École, et qui constitueront le noyau dur de ce que l’on appellera bientôt la Nouvelle Droite. L’aventure éditoriale qui commence est très vite une réussite : début 1979, le magazine tire à environ 850 000 exemplaires ! Un tel succès suscite bien évidemment envies et aigreurs dans le microcosme de la presse parisienne, hostilité dans certaines sphères idéologiques, de gauche comme de droite, et animosité dans les milieux de la publicité et des affaires. D’où le déclenchement d’une stupéfiante campagne médiatique lancée contre la Nouvelle Droite tout au long de l’été 1979. Cette campagne aboutira, deux ans plus tard, avec l’arrivée de la gauche au pouvoir, à un changement d’orientation du magazine et au retrait de ceux qui en avaient été les inspirateurs et les animateurs, notamment Jean-Claude Valla, le directeur de la rédaction (hélas récemment disparu) et bien sûr Alain de Benoist. Celui-ci publie, en annexe de son livre, un texte sur [son] « souvenir de Louis Pauwels » qui, joint à celui de Jean-Claude Valla, « Avec Louis Pauwels au Figaro Magazine » (publié dans Polémia,), constitue un passionnant résumé de ce que fut cette brève tentative de « réarmement intellectuel » de la droite.
Journaliste, philosophe et politologue
Dès sa création, Le Figaro Magazine s’est positionné contre les « idéologies à la mode », celles globalement issues de la gauche et de l’extrême gauche, hégémoniques à l’Université, dans l’édition, les médias… Parmi ces idéologies, A. de Benoist réserva un sort particulier au marxisme et au freudisme dans des articles qu’il ne réécrirait pas aujourd’hui à l’identique, note-t-il dans son avant-propos, mais qui, il y a trente ans, ébranlèrent sérieusement ces deux piliers de ce que l’on n’appelait pas encore la « pensée unique ». Dans la centaine de textes qui composent ce recueil, il ne se contente pas toutefois de déconstruire certaines vues-du-monde ou de déboulonner certaines idoles du type Bernard-Henri Lévy, il redécouvre Joseph de Maistre, célèbre « le grand retour de Nietzsche », revient sur « les années décisives » d’Oswald Spengler », suit les « chemins de Heidegger », loue Mircea Eliade « le généraliste du sacré » et Gilbert Durand « l’explorateur de l’imaginaire »… Il aborde également les grandes questions du moment comme « le coût humain du communisme », « les équivoques du néo-féminisme », le behaviourisme, la sociobiologie, « le débat sur l’intelligence », « le déclin du français dans le monde »… Fort de l’aphorisme nietzschéen selon lequel « l’homme de l’avenir est celui qui aura la mémoire la plus longue », il évoque « l’idéologie tripartite des Indo-Européens » et « le grand espoir des cultures populaires »… Il ne recule pas enfin devant la polémique dénonçant « les jeux du cirque de l’intelligentsia », la « métafigure hilarante de Georges Marchais » ou encore le « mal américain ».
Désillusion …
Trente ans après, quel bilan A. de Benoist tire-t-il de cette aventure du Figaro-Dimanche et du Figaro Magazine ? D’abord il déclare rester fidèle à la majorité de « [ses] intuitions d’alors », même s’il a « révisé quelques-uns de [ses] jugements » et « élargi [ses] horizons ». Mais surtout, il affirme avoir été « vacciné contre l’illusion consistant à croire qu’il est possible de “réarmer intellectuellement” une famille politique dont l’intérêt pour les idées tient à l’aise sur un confetti, surtout quand ses idées contrarient ses intérêts de classe ».
Quant au Fig’ Mag’, il continue de paraître, mais son tirage a été divisé par deux et il n’est plus qu’un hebdomadaire aux belles images, normalisé et bien-pensant. Nous ne verserons donc pas de larmes sur son déclin, que tous ceux qui ont succédé au trio Pauwels-Valla-de Benoist ont été incapables d’enrayer, que ce soit par conformisme ou par lâcheté. Mais, avec d’autres, nous dénoncerons sans relâche le scandale que constitue la conspiration du silence qui enferme Alain de Benoist derrière les hauts murs de la police de la pensée.
Didier Marc
04/03/2010
Alain de Benoist, Au temps des idéologies « à la mode », 1977-1982, Association des Amis d’Alain de Benoist, 2009., 412 p. - 26,00 €
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